L’infiltration carieuse représente aujourd’hui l’une des avancées les plus significatives dans le domaine de la dentisterie minimalement invasive. Cette technique, notamment avec le système Icon dentaire, offre une solution élégante pour le traitement des caries précoces sans recourir aux méthodes conventionnelles plus invasives. En tant que chirurgiens-dentistes, nous sommes constamment à la recherche d’approches permettant de préserver au maximum les tissus dentaires tout en offrant des résultats cliniques prévisibles. L’infiltration par résine infiltrante répond parfaitement à cette philosophie en ciblant spécifiquement les lésions carieuses non cavitées, permettant ainsi un arrêt de la progression carieuse dès les premiers stades de la maladie.
Cet article propose une exploration approfondie de cette technique, de ses fondements scientifiques à son application clinique, en passant par son efficacité à long terme et sa place dans l’arsenal thérapeutique moderne du chirurgien-dentiste. Nous aborderons également les critères de sélection des cas, les protocoles détaillés et les dernières avancées dans ce domaine en constante évolution.
Fondements scientifiques et mécanismes d’action de l’infiltration carieuse
Pour comprendre pleinement l’efficacité de l’infiltration carieuse, il est essentiel d’explorer les mécanismes microscopiques qui sous-tendent cette approche thérapeutique innovante.
Principes physico-chimiques de l’infiltration
L’infiltration repose sur un principe fondamental : combler les microporosités créées par la déminéralisation de l’émail avec une résine infiltrante de faible viscosité. L’Icon-Infiltrant, composé principalement de triéthylène glycol diméthacrylate (TEGDMA), possède un coefficient de pénétration remarquablement élevé de 147 cm/s, lui permettant de s’infiltrer efficacement dans les structures poreuses de l’émail déminéralisé jusqu’à une profondeur de 800 μm.
Cette pénétration par capillarité est particulièrement efficace pour les lésions supérieures ou égales à 500 μm, surtout après un prétraitement adéquat à l’acide chlorhydrique et un séchage minutieux. La résine, une fois polymérisée, forme une barrière physique qui entrave la diffusion des acides cariogènes, interrompant ainsi le cycle de déminéralisation et prévenant l’expansion de la lésion.
Effets sur la structure dentaire
L’infiltration produit plusieurs effets bénéfiques sur la structure dentaire :
- Renforcement de la microdureté : Des études ont démontré que l’infiltration améliore significativement la microdureté de l’émail déminéralisé, augmentant sa résistance aux agressions acides et à l’abrasion.
- Modification de l’indice de réfraction : La déminéralisation altère l’indice de réfraction de l’émail (1,62 pour l’émail sain), créant des taches blanches opaques. L’Icon-Infiltrant, avec un indice de réfraction de 1,51, homogénéise l’indice de réfraction de la lésion, réduisant ainsi la diffusion de la lumière et améliorant l’esthétique.
- Réduction de la perméabilité dentinaire : Dans les cas où la lésion atteint la dentine superficielle, l’infiltration peut réduire la perméabilité dentinaire en obstruant les tubuli, contribuant ainsi à diminuer la sensibilité.
- Impact sur la microflore bactérienne : L’obstruction des microporosités crée un environnement défavorable à la prolifération bactérienne en limitant l’accès aux nutriments et à l’oxygène.
Ces mécanismes combinés expliquent pourquoi l’infiltration carieuse constitue une approche efficace pour arrêter la progression des caries à un stade précoce, tout en offrant des bénéfices esthétiques immédiats pour les lésions de type tache blanche.
Indications et critères de sélection pour l’infiltration carieuse
La sélection rigoureuse des cas représente l’un des facteurs déterminants du succès de l’infiltration carieuse. Pour obtenir des résultats optimaux, il est crucial de bien comprendre les indications et contre-indications de cette technique.
Critères diagnostiques et classification des lésions
Le système International Caries Detection and Assessment System (ICDAS) offre un cadre précieux pour identifier les lésions appropriées pour l’infiltration :
- ICDAS 1-2 : Lésions initiales de l’émail, idéales pour l’infiltration
- ICDAS 3 : Microcavitations limitées à l’émail, généralement adaptées à l’infiltration
- ICDAS 4-6 : Lésions cavitaires nécessitant des approches restauratrices conventionnelles
Au-delà de la classification ICDAS, plusieurs critères supplémentaires doivent être considérés :
- Profondeur de la lésion : L’infiltration est indiquée pour les lésions limitées à l’émail ou atteignant le tiers externe de la dentine (D1). Les lésions plus profondes (D2, D3) nécessitent d’autres approches thérapeutiques.
- Activité de la lésion : Les lésions actives, caractérisées par une surface rugueuse et une déminéralisation progressive, sont plus susceptibles de bénéficier de l’infiltration que les lésions inactives.
- Accessibilité : La lésion doit être facilement accessible pour permettre une application adéquate des produits.
L’évaluation radiographique reste essentielle pour déterminer la profondeur de la lésion et exclure toute atteinte pulpaire. Pour les informations sur la carie dentaire, ses symptômes et traitements plus avancés, d’autres approches thérapeutiques seront nécessaires.
Localisations préférentielles et types de lésions
L’infiltration carieuse peut être utilisée sur différentes surfaces dentaires, avec des considérations spécifiques :
- Surfaces proximales : L’infiltration est particulièrement efficace pour les lésions proximales non cavitaires, difficiles d’accès pour les techniques de reminéralisation conventionnelles.
- Surfaces vestibulaires : Les lésions blanches post-orthodontiques ou les lésions initiales vestibulaires répondent généralement bien à l’infiltration, avec un bénéfice esthétique immédiat.
- Surfaces occlusales : Bien que techniquement possible, l’infiltration des surfaces occlusales est plus complexe et peut être moins prévisible que les méthodes de prévention comme le scellement des sillons.
Les lésions de type tache blanche constituent une indication particulièrement intéressante pour l’infiltration, offrant à la fois un bénéfice thérapeutique (arrêt de la progression) et esthétique (masquage des taches).
Contre-indications et limitations
Plusieurs situations peuvent contre-indiquer l’utilisation de la technique d’infiltration :
- Présence de lésions cavitées
- Lésions profondes atteignant la dentine moyenne ou profonde
- Atteinte pulpaire
- Antécédents d’allergie à l’un des composants de l’Icon
- Lésions adjacentes à des restaurations existantes ou situées dans des zones d’accès difficile
- Patients présentant un risque carieux extrêmement élevé sans possibilité de contrôle
La compréhension approfondie de ces indications et contre-indications permet d’optimiser les résultats cliniques et d’intégrer judicieusement l’infiltration dans une stratégie globale de gestion moderne des caries.
Protocole clinique détaillé de l’infiltration avec Icon
La réussite de l’infiltration carieuse dépend largement de la rigueur avec laquelle le protocole clinique est appliqué. Voici une description détaillée des étapes à suivre pour obtenir des résultats optimaux.
Préparation et isolation
Avant de commencer l’infiltration proprement dite, une préparation minutieuse est essentielle :
- Nettoyage professionnel : Élimination de la plaque dentaire et des dépôts à l’aide d’une pâte prophylactique sans fluor.
- Isolation : Mise en place d’une digue en caoutchouc pour assurer un champ opératoire parfaitement sec. Pour les lésions proximales, l’utilisation du DMG MiniDam peut faciliter l’isolation en protégeant la région proximale pendant le traitement.
- Séparation dentaire : Pour les lésions proximales, l’utilisation de séparateurs orthodontiques ou de coins en bois peut être nécessaire pour créer un espace suffisant pour l’application des produits.
Étapes de l’infiltration
Le protocole standard d’infiltration avec Icon comprend les étapes suivantes :
- Mordançage : Application d’Icon-Etch (acide chlorhydrique à 15%) pendant 2 minutes, avec une légère activation par frottement. Cette étape est cruciale pour éliminer la couche superficielle hypominéralisée qui pourrait entraver la pénétration de la résine.
- Rinçage : Rinçage abondant à l’eau pendant au moins 30 secondes pour éliminer complètement l’acide.
- Séchage : Application d’Icon-Dry (éthanol à 99%) pendant 30 secondes. Cette étape déshydrate la lésion et permet de visualiser le résultat potentiel après infiltration. Si la tache blanche reste visible après séchage, une répétition de l’étape de mordançage peut être nécessaire.
- Première infiltration : Application d’Icon-Infiltrant pendant 3 minutes, en maintenant la surface de la lésion constamment humide avec la résine. Pour les lésions proximales, l’utilisation de fil dentaire permet d’éliminer les excès.
- Photopolymérisation : Polymérisation pendant 40 secondes de chaque côté de la lésion.
- Seconde infiltration : Application d’une seconde couche d’Icon-Infiltrant pendant 1 minute, suivie d’une nouvelle photopolymérisation. Cette étape compense la contraction de polymérisation et améliore le degré de conversion de la résine.
- Finition : Polissage délicat à l’aide de disques à polir ou de strips abrasifs pour éliminer toute irrégularité de surface.
Adaptations du protocole selon les situations cliniques
Certaines situations cliniques peuvent nécessiter des modifications du protocole standard :
- Lésions profondes de l’émail : Un temps de mordançage prolongé (jusqu’à 3 minutes) peut être nécessaire.
- Lésions atteignant la dentine superficielle : L’application préalable d’un adhésif dentinaire peut améliorer l’adhésion de la résine infiltrante.
- Lésions post-orthodontiques résistantes : Une micro-abrasion préalable peut être envisagée pour améliorer l’accès de la résine aux microporosités.
- Lésions anciennes ou inactives : Ces lésions peuvent nécessiter plusieurs cycles de mordançage pour permettre une infiltration efficace.
Pour les cas complexes nécessitant des solutions de restauration dentaire comme les inlays et onlays, l’infiltration peut parfois constituer une étape préliminaire permettant de stabiliser les marges de la préparation.
La maîtrise de ce protocole, associée à une sélection rigoureuse des cas, constitue la clé du succès clinique de l’infiltration carieuse avec Icon.
Efficacité clinique et durabilité à long terme
L’adoption d’une nouvelle approche thérapeutique comme l’infiltration carieuse doit être soutenue par des preuves scientifiques solides concernant son efficacité et sa durabilité dans le temps.
Résultats des études cliniques
Les études cliniques randomisées et contrôlées ont fourni des données probantes sur l’efficacité de l’infiltration carieuse avec Icon :
- Une étude de référence a démontré qu’après 2 ans de suivi, 97% des lésions carieuses non cavitées infiltrées n’ont pas progressé, contre seulement 74% dans le groupe témoin (p < 0,05).
- Une autre étude longitudinale sur 3 ans a révélé que seulement 7,4% des lésions ont progressé dans le groupe traité avec Icon, contre 18,5% dans le groupe placebo (p < 0,01).
- Des recherches spécifiques sur les lésions post-orthodontiques ont montré une amélioration esthétique significative et durable, avec une stabilité de la couleur sur 12 à 24 mois.
Ces résultats témoignent d’un taux de succès élevé dans l’arrêt de la progression carieuse, confirmant le potentiel de cette approche dans la dentisterie minimalement invasive.
Facteurs influençant le succès ou l’échec du traitement
Plusieurs facteurs peuvent influencer les résultats cliniques de l’infiltration :
- Facteurs liés au patient : L’hygiène bucco-dentaire, les habitudes alimentaires, le risque carieux individuel et la compliance du patient jouent un rôle crucial dans la durabilité du traitement.
- Facteurs liés à la lésion : La taille, la profondeur, l’activité et la localisation de la lésion influencent directement le succès de l’infiltration.
- Facteurs liés à l’opérateur : La maîtrise technique, l’expérience clinique et le respect scrupuleux du protocole sont déterminants pour obtenir des résultats optimaux.
La reminéralisation de l’émail adjacent à la zone infiltrée peut également contribuer à la stabilité à long terme du traitement, soulignant l’importance d’intégrer l’infiltration dans une approche globale incluant des mesures de prévention comme l’application de fluorure.
Stabilité et vieillissement de la résine infiltrante
La durabilité de l’infiltration dépend également des propriétés intrinsèques de la résine infiltrante :
- Stabilité dimensionnelle : Des études in vitro ont démontré une bonne stabilité dimensionnelle de la résine Icon après polymérisation.
- Résistance à la dégradation : Bien que la résine puisse subir une certaine dégradation au fil du temps, celle-ci reste généralement limitée et n’affecte pas significativement l’efficacité du traitement.
- Stabilité de la couleur : Des recherches ont montré que la résine infiltrante peut présenter une certaine susceptibilité à la coloration, particulièrement chez les patients consommant régulièrement des aliments ou boissons colorants (café, thé, vin rouge).
Des contrôles réguliers sont recommandés pour évaluer l’intégrité de l’infiltration et détecter précocement toute progression carieuse. En cas de coloration significative, un polissage ou, dans certains cas, une réinfiltration peut être envisagée.
La compréhension de ces facteurs permet d’optimiser les résultats cliniques et d’intégrer judicieusement l’infiltration dans une stratégie globale de prise en charge des lésions carieuses initiales.
Comparaison avec les autres approches thérapeutiques
Pour positionner correctement l’infiltration carieuse dans l’arsenal thérapeutique du chirurgien-dentiste, il est essentiel de la comparer aux autres approches disponibles pour la gestion des lésions carieuses initiales.
Infiltration versus reminéralisation
Les techniques de reminéralisation constituent l’approche traditionnelle pour les lésions carieuses précoces :
- Applications topiques de fluorure : Efficaces pour favoriser la reminéralisation des lésions superficielles de l’émail, mais nécessitent une application régulière et une bonne compliance du patient.
- Produits à base de CPP-ACP (caséine phosphopeptide – phosphate de calcium amorphe) : Facilitent la reminéralisation en fournissant des ions calcium et phosphate biodisponibles.
- Vernis fluorés : Offrent une libération prolongée de fluorure, mais leur effet est principalement préventif.
Comparativement à ces approches, l’infiltration présente plusieurs avantages :
- Traitement en une seule séance avec des résultats immédiats
- Indépendance vis-à-vis de la compliance du patient après le traitement
- Effet esthétique immédiat pour les lésions de type tache blanche
- Efficacité démontrée pour les lésions proximales difficiles d’accès
Cependant, contrairement aux techniques de reminéralisation, l’infiltration est irréversible et ne permet pas la régénération naturelle des tissus dentaires.
Infiltration versus scellement et restaurations
D’autres approches préventives ou restauratrices peuvent également être envisagées :
- Scellement des sillons : Principalement indiqué pour les surfaces occlusales, le scellement crée une barrière physique mais n’infiltre pas la lésion. Cette technique est complémentaire à l’infiltration, chacune ayant ses indications spécifiques.
- Restaurations minimalement invasives : Pour les lésions légèrement plus avancées, des restaurations a minima peuvent être nécessaires, impliquant une préparation limitée de la dent.
- Restaurations conventionnelles : Les lésions cavitaires nécessitent des restaurations traditionnelles, avec une perte de substance dentaire plus importante.
L’infiltration se positionne comme une solution intermédiaire entre les approches non invasives (reminéralisation, scellement) et les approches restauratrices, offrant une option thérapeutique précieuse pour les lésions non cavitaires qui ne répondent pas suffisamment aux techniques de reminéralisation.
Tableau comparatif des approches thérapeutiques
Traitement | Efficacité | Invasivité | Durabilité | Indications principales |
---|---|---|---|---|
Infiltration Icon | Élevée pour l’arrêt de la progression des lésions initiales | Micro-invasive | Bonne (études à 3-5 ans disponibles) | Lésions non cavitées de l’émail et dentine superficielle (ICDAS 1-3) |
Fluorure topique | Modérée, dépendante de la compliance | Non invasive | Variable, nécessite des applications répétées | Prévention, lésions très précoces de l’émail |
Scellement | Élevée pour les surfaces occlusales | Mini-invasive | Variable (3-5 ans) | Prévention des caries occlusales |
Restauration minimale | Très élevée | Modérément invasive | Bonne (5-10 ans) | Lésions cavitaires limitées |
Cette comparaison met en évidence la place unique de l’infiltration dans le gradient thérapeutique de la gestion moderne des caries, offrant une option précieuse pour les lésions qui se situent dans la « zone grise » entre la reminéralisation et la restauration.
Applications cliniques spécifiques et cas particuliers
L’infiltration carieuse avec Icon trouve des applications dans diverses situations cliniques spécifiques, chacune présentant ses propres défis et considérations.
Traitement des lésions post-orthodontiques
Les lésions de type tache blanche post-orthodontiques constituent l’une des indications les plus fréquentes pour l’infiltration :
- Caractéristiques : Ces lésions apparaissent souvent après le retrait des appareils orthodontiques, particulièrement chez les patients ayant eu une hygiène bucco-dentaire insuffisante pendant le traitement.
- Défis spécifiques : Ces lésions sont souvent multiples, de taille variable et présentent différents degrés de déminéralisation, ce qui peut compliquer leur traitement.
- Approche clinique : L’infiltration offre une solution esthétique immédiate et un arrêt de la progression carieuse. Pour les cas complexes, une combinaison avec une micro-abrasion préalable peut optimiser les résultats.
- Résultats : Des études cliniques ont démontré une amélioration esthétique significative et durable, avec une satisfaction élevée des patients.
Le traitement précoce de ces lésions par infiltration permet d’éviter leur progression vers des lésions cavitaires nécessitant des restaurations plus invasives.
Gestion des lésions proximales
Les lésions proximales représentent un défi particulier en raison de leur accessibilité limitée :
- Diagnostic : L’utilisation de radiographies bitewing est essentielle pour détecter ces lésions à un stade précoce et évaluer leur profondeur.
- Technique spécifique : L’utilisation de séparateurs orthodontiques ou de coins en bois peut être nécessaire pour créer un espace suffisant pour l’application des produits.
- Protocole adapté : L’utilisation du kit Icon-Proximal, avec ses applicateurs spécifiques, facilite l’accès aux surfaces proximales.
- Suivi : Un contrôle radiographique régulier est recommandé pour évaluer la stabilité de la lésion infiltrée.
L’infiltration des lésions proximales constitue une alternative précieuse aux approches « wait and see » ou aux restaurations précoces, permettant de préserver la structure dentaire tout en arrêtant la progression carieuse.
Applications pédiatriques
L’infiltration présente des avantages particuliers en dentisterie pédiatrique :
- Préservation tissulaire : Particulièrement importante pour les dents temporaires et les dents permanentes immatures.
- Rapidité : Le traitement en une séance est avantageux pour les jeunes patients.
- Absence d’anesthésie : Dans la plupart des cas, l’infiltration peut être réalisée sans anesthésie, ce qui améliore l’acceptation du traitement.
- Considérations spécifiques : Une attention particulière doit être portée à l’isolation et à la protection des tissus mous lors de l’application de l’acide chlorhydrique.
L’infiltration s’intègre parfaitement dans une approche préventive globale en dentisterie pédiatrique, en complément d’autres mesures comme le scellement des sillons et l’application de fluorure.
Cas complexes et situations particulières
Certaines situations cliniques nécessitent une adaptation du protocole standard :
- Lésions fluorotiques : L’infiltration peut améliorer l’esthétique des taches de fluorose légère à modérée, mais peut nécessiter des temps de mordançage prolongés.
- Hypominéralisations molaires-incisives (MIH) : Les résultats sont variables selon la sévérité de l’atteinte, avec une meilleure efficacité sur les défauts légers.
- Lésions cervicales : L’infiltration peut être utilisée pour les lésions carieuses cervicales non cavitaires, mais nécessite une attention particulière à l’isolation.
- Combinaison avec d’autres approches : Dans certains cas, l’infiltration peut être combinée avec d’autres techniques (micro-abrasion, éclaircissement, restaurations composites) pour optimiser les résultats esthétiques et fonctionnels.
Ces applications spécifiques illustrent la versatilité de l’infiltration carieuse et son potentiel à s’intégrer dans des plans de traitement personnalisés adaptés aux besoins spécifiques de chaque patient.
Perspectives d’avenir et développements récents
Le domaine de l’infiltration carieuse continue d’évoluer, avec des recherches en cours et des innovations prometteuses qui pourraient élargir ses applications et améliorer son efficacité.
Innovations dans les matériaux d’infiltration
Les recherches actuelles se concentrent sur l’amélioration des propriétés des résines infiltrantes :
- Résines avec agents antibactériens : L’incorporation d’agents antibactériens comme le MDPB (méthacrylate de dodécyle pyridinium bromure) pourrait renforcer l’effet inhibiteur sur la croissance bactérienne et améliorer la stabilité à long terme.
- Résines bioactives : Des résines capables de libérer des ions calcium, phosphate ou fluorure pourraient combiner les avantages de l’infiltration et de la reminéralisation.
- Amélioration de la résistance à la coloration : Des modifications de la composition chimique visent à réduire la susceptibilité à la coloration, un problème occasionnel avec les résines actuelles.
- Optimisation de la viscosité : Des recherches visent à améliorer encore le coefficient de pénétration pour atteindre des lésions plus profondes ou plus anciennes.
Ces innovations pourraient considérablement élargir le spectre d’application de l’infiltration et améliorer sa durabilité à long terme.
Nouvelles applications cliniques
Au-delà des indications traditionnelles, plusieurs nouvelles applications sont en cours d’exploration :
- Traitement des lésions érosives précoces : L’infiltration pourrait offrir une protection contre la progression des lésions érosives non cavitaires.
- Gestion de l’hypersensibilité dentinaire : L’obstruction des tubuli dentinaires par la résine infiltrante pourrait réduire la sensibilité dentinaire.
- Traitement des défauts de développement de l’émail : Des protocoles adaptés sont à l’étude pour traiter diverses anomalies de l’émail comme l’amélogénèse imparfaite légère.
- Prévention ciblée chez les patients à haut risque : L’infiltration préventive des zones à risque (comme les surfaces proximales) chez les patients présentant un risque carieux élevé est une approche prometteuse.
Ces nouvelles applications pourraient positionner l’infiltration comme une technique encore plus polyvalente dans l’arsenal thérapeutique du chirurgien-dentiste.
Intégration dans les concepts de dentisterie numérique
L’évolution de la dentisterie minimalement invasive s’oriente vers une intégration croissante des technologies numériques :
- Diagnostic assisté par intelligence artificielle : Des algorithmes d’IA pourraient améliorer la détection précoce des lésions appropriées pour l’infiltration.
- Monitoring numérique : Des techniques d’imagerie avancées permettraient un suivi précis de l’évolution des lésions infiltrées.
- Planification personnalisée des traitements : L’utilisation de modèles prédictifs pourrait optimiser la sélection des cas et personnaliser les protocoles d’infiltration.
- Techniques d’application guidées : Des guides d’application imprimés en 3D pourraient améliorer la précision de l’infiltration dans les cas complexes.
Ces développements s’inscrivent dans la tendance plus large de la médecine de précision, visant à offrir des traitements personnalisés basés sur les caractéristiques spécifiques de chaque patient et de chaque lésion.
Défis et questions en suspens
Malgré les avancées significatives, plusieurs questions restent à explorer :
- Durabilité à très long terme : Les données au-delà de 5-7 ans restent limitées.
- Efficacité sur les lésions profondes : Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour optimiser l’infiltration des lésions atteignant la dentine moyenne.
- Protocoles standardisés pour cas complexes : Des lignes directrices plus précises sont nécessaires pour les cas atypiques.
- Impact environnemental : L’évaluation du cycle de vie des matériaux d’infiltration et leur impact écologique méritent d’être étudiés.
Ces défis représentent autant d’opportunités pour la recherche future, ouvrant la voie à une évolution continue de cette technique prometteuse.
Conclusion
L’infiltration carieuse avec Icon représente une avancée significative dans le domaine de la dentisterie minimalement invasive, offrant une solution élégante pour le traitement des caries précoces et des lésions carieuses non cavitées. Cette technique comble le fossé thérapeutique entre les approches préventives de reminéralisation et les interventions restauratrices, permettant d’arrêter la progression carieuse tout en préservant au maximum les tissus dentaires sains.
Les données scientifiques disponibles confirment l’efficacité clinique de l’infiltration, tant pour stopper l’évolution des lésions que pour améliorer l’esthétique des taches blanches. Sa mise en œuvre requiert une sélection rigoureuse des cas, une maîtrise technique du protocole et une intégration judicieuse dans une stratégie globale de prise en charge du risque carieux.
Les développements récents et les perspectives d’avenir laissent entrevoir un potentiel encore plus grand pour cette approche, avec des améliorations des matériaux, de nouvelles applications cliniques et une intégration croissante dans les flux de travail numériques.
Pour le chirurgien-dentiste moderne, l’infiltration carieuse constitue désormais un outil thérapeutique incontournable, incarnant parfaitement la philosophie de préservation tissulaire qui guide la dentisterie contemporaine. Son adoption réfléchie permet d’offrir à nos patients des soins plus conservateurs, moins invasifs et plus respectueux de l’intégrité biologique de leurs dents.
L’infiltration carieuse n’est pas simplement une technique supplémentaire dans notre arsenal thérapeutique – elle représente un changement de paradigme dans notre approche de la gestion des lésions carieuses initiales, nous permettant d’intervenir plus tôt, de manière plus conservatrice et avec des résultats prévisibles à long terme.